Exercice d’écriture – Une question d’élégance

Je ne sais plus lequel des auteurs de notre petit groupe a eu l’idée de ce thème (Mickaël?). Il ne me parlait pas. Mais vraiment pas.

S’habiller, tous les matins où je dois sortir de chez moi, n’est pas loin de représenter le plus gros défi de la journée. Trouver le pantalon qui va avec le haut, le haut qui est assorti aux bijoux, les bijoux qui correspondent à mes chaussures, le manteau qui s’accorde aux-dis souliers, sans oublier le sac à main… et si on rajoute que selon la forme et densité du tissu que je porte, les sous-vêtements rentrent en jeu… bref.

Rajoutez à ça que je vais en clientèle… il y a un certain nombre de codes à respecter, et les appréhender a toujours été difficile pour moi.

Par exemple : pourquoi la marque de la culotte que l’on voit quand on porte un jean moulant est dérangeante? En quoi associer des rayures à des fleurs perturbe-t-il l’équilibre du monde? Qui a décidé qu’il ne fallait pas plus de 3 couleurs sur soi? Pourquoi le bleu ciel est différent du turquoise?

Alors, j’avoue, si le contact humain avec mes clients et mes collègues me manque, le COVID aura au moins eu l’avantage de m’alléger de ces tourments!

Si j’en reviens à mes moutons… vous aurez compris que la thématique ne m’inspirait pas DU TOUT. Pourtant, il ne s’agissait que d’écrire pendant 15 minutes. Pour une fois, je me suis mise à mon clavier sans aucune idée de ce que j’allais taper.

Vous connaissez, ce conseil que l’on trouve parfois un peu idiot ?

Écrivez tous les jours. Si rien ne vient, écrivez « rien ».

Hé bien, je me suis mise à mon clavier, j’ai commencé par taper la première chose qui me venait à l’esprit en parlant d’élégance. Et miracle! En 15 minute, j’avais un petit texte qui, s’il a ses défauts, se tient. Avec une chute que je n’avais pas vue venir.

Comme quoi… il suffit parfois d’écrire!

Il porta le nœud papillon à son col, apprécia l’effet.

Horrible. Un clown lâché dans la nature. Il faisait peur à voir.

D’un geste rageur, il le jeta sur le lit. L’accessoire de tissu atterrit sans un bruit sur l’amoncellement de T-shirts et de jeans.

Il se jaugea du regard.

Le pantalon à pli lui donnait un air guindé. Sa chemise hurlait de révolte en se tendant sur son ventre – il ne donnait pas cher de la résistance des boutons. La veste tentait de compacter ses épaules, sans succès. Sa silhouette massive rentrait au chausse-pied dans ce costume fait pour un autre. Un autre lui. Un ancien lui.

Loin.

Très loin.

Étriqué.

Ridicule.

Pourquoi le patron tenait-il tant à ce qu’il s’accoutre de la sorte ? Dans le miroir, sa face de bonne poire amicale se crispait sous l’inconfort. Prisonnier de ces tissus, il n’était plus lui-même.

Il tenta la cravate. « Élégant » avait exigé le patron.

Échec.

Il n’inspirait que peur et effroi.

Il retint un geste de colère. Ce n’était pas le moment de perdre le contrôle. Amical en toute circonstance, telle était sa devise. Il se devait de prendre soin de son client du jour, et malgré cet horrible accoutrement, il pouvait rester professionnel. L’habit, le moine, il en avait tant entendu parler ! Pas question de baisser les bras.

Il saisit le dernier accessoire que son armoire abritait. Un chapeau melon.

Mieux.

Il força ses traits. Son habituel sourire se montrait récalcitrant. Il insista, tira sur ses zygomatiques.

Grimace.

Un oiseau se posa sur la fenêtre, pépiant de joie.

Attendrit par la beauté mélodieuse du passereau, son visage se dérida. Soudain, il redevint l’enfant qu’il était au fond de lui, émerveillé par la beauté délicate de la vie.

Quelques minutes passèrent. Hors du temps.

Quand l’oiseau prit son envol, il avait oublié ses problèmes d’élégance. Ses yeux pétillaient de joie, son sourire illuminait la pièce. Il respirait la vie et la bienveillance.

Peu importe le costume.

Apaisé, heureux, il saisit son couteau de boucher. Cette nuit, il pourrait prendre soin de son client avec bienveillance et respect.

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