Une semaine après mes premières Imaginales, je suis encore dopée à l’adrénaline. Voilà des années que j’entendais parler de ce festival mythique. Jusqu’ici, je n’avais pas trouvé la force de me déplacer à l’autre bout de la France – j’étais à l’époque énormément sur la route pour mon travail, je ne connaissais pas encore assez de monde pour me motiver… ou peut-être fallait-il simplement attendre LE bon moment. LE moment où je serais disponible, prête à rencontrer l’Autre avec un grand A.
Parce que si ces Imaginales m’ont profondément marqué, il ne s’agit pas tant de l’euphorie que j’ai ressenti en dédicaçant à tour de bras sur le magnifique stand d’Oneiroi ma modeste petite nouvelle. Certes, je me suis sentie la star d’un jour, et c’est très agréable, ne le nions pas !
Contrairement à ce que je pensais, ce qui a fait de cette semaine un moment unique dans ma vie, ce n’est pas le décorum, les stands, les signatures, les tables rondes, les livres par milliers, le trophée du match d’écriture… non. Toute la magie de cette semaine se résume en un mot : RENCONTRES.
Rencontres avec ma bande d’amis, ma famille de plume. Nous nous sommes retrouvés à 10 écrivains dans un écrin de sapins, quelques jours avant les festivités, pour une retraite d’écriture. Un pari audacieux, un bond dans le vide, que de passer une semaine avec des personnes qu’après tout, je ne connaissais pas vraiment. J’étais sereine en arrivant, poussée par l’intuition que tout irait bien. Je suis repartie en ayant enfin posé mon cerveau à terre, le cœur chargé d’amour et les tripes retournées de délicatesse, de justesse, de sincérité. Les moments précieux que nous avons partagés sont en-dehors des mots : j’ai appris la valeur d’un regard, d’un silence, d’un geste anodin mais naturel.
Rencontres avec ma bande d’Oneiroi, ma famille d’édition. Quel plaisir de se sentir tous rassemblés autour du formidable projet de Camille, qui mène d’une main de maître son bateau par-delà les tempêtes, pour proposer une littérature de qualité et une relation auteur-éditeur bienveillante et équilibrée ! J’aurais pu me sentir minuscule au milieu de la bande, moi avec ma petite nouvelle face à des auteurs de romans talentueux. Mais non. Ils m’ont accueillie de la même manière que n’importe quelle autrice, avec un enthousiasme débordant qui m’a fait chaud au coeur. Exit le syndrome de l’imposteur !
Et ils n’ont pas été les seuls ! J’ai pu retrouver au détour des rues mes amis rennais de toujours, mes auteurs préférés qui, depuis mes débuts, me soutiennent, mes éditrices (oui, je les collectionne !) dont l’enthousiasme sur mon premier roman fait plaisir à voir.
Et puis, en-dehors des rencontres personnelles, nominatives, j’ai aussi rencontré ce grand cosmos de l’édition d’imaginaire française. Je pensais la connaître : je me suis rendue compte qu’elle était bien plus vaste et diversifiée que je ne le croyais. Bien moins idéale, aussi. Même si je n’ai pas été concernée par l’affaire Marsan, même si je n’ai pas eu le temps d’aller creuser le sujet en assistant aux différentes conférences sur le sexisme, il régnait sur ces Imaginales un vent nouveau, de celui qui retourne le poil en annonçant des changements.
Les changements ne viennent pas sans le mouvement, sans les essais, les erreurs, les victoires, les remises en question. Moi qui vient de la grande distribution, univers bien loin d’être angélique, je me rends compte qu’on connaît ici les mêmes problématiques. On pourrait simplifier et dire que les éditeur·ices, à l’instar des distributeur·ices, sont de grands méchant·es qui oppriment les agriculteur·ices/les auteur·ices. On pourrait simplifier et dire que les hommes manipulent et harcèlent les femmes, que les hétéros en veulent aux homos, les blancs aux noirs et les extra-terrestres aux limaces. On pourrait, on peut, on le fait. La matière humaine est telle que, peut importe que l’on soit auteur·ice ou pas, nous restions des simples humains. Des erreurs sont faites, des raccourcis sont pris, la mesure est parfois mise de côté. Le numérique amplifie des comportements extrêmes (c’est son algorithme), et créé un biais supplémentaire.
Je ne blâme personne. Moi-même, il m’arrive d’oublier ma retenue et mon recul et de simplifier des messages. La mesure est tellement difficile à tenir !
Ce que qui me reste en mémoire après ces quatre jours de rencontre, c’est ma rencontre avec l’Humain. Ses défauts, ses qualités. Ses faiblesses, ses forces.
Perdre ma naïveté ne m’est au final pas si douloureux. Parce que j’ai appris à voir le beau dans la difficulté. Les personnes qui se soutiennent. Celles qui ne baissent pas les bras. Ceux qui sont capables de mettre de côté leurs soucis pour rire un bon coup avec quelqu’un qui en a besoin. Celles qui ont la force de dénoncer ce qui n’est pas acceptable. Ceux qui savent corriger leurs erreurs. Celles qui arrivent à accepter leur passé sans esprit de vengeance.
J’ai appris également à être ma propre « meilleure amie ». Il m’a fallu cette semaine hors du temps pour que je comprenne ce que cela veut dire : m’entourer et choisir les humains avec qui je suis bien, dont les valeurs résonnent avec les miennes, et ne pas m’encombrer du poids des débats qui me pèsent. Aujourd’hui, je travaille avec des éditrices (c’est un hasard si pour le moment ce ne sont que des femmes) bienveillantes, courageuses, qui sont dans une relation égalitaire, de partage. Il en est de même pour les auteur·ices qui m’accompagnent. Mes difficultés, leurs difficultés, mes joies, leurs joies : l’aventure est humaine, et c’est ça qui me rends heureuse !
J’ai longtemps cherché un monde parfait. Aujourd’hui, j’ai appris que la douceur et l’authenticité sont les trésors de cette vie. Merci les ami·es ! Merci les Imaginales !