Oui, je l’admet, le titre est un tantinet racoleur. J’aime la demi-mesure, vous me connaissez, et l’enthousiasme que m’a laissé la lecture de cet essai a du mal à se diluer dans le flot du temps !
Lionel Davoust est l’un de ces auteurs qui partage avec passion, attention et humilité sa propre expérience d’écriture, au travers de nombreux supports que j’ai déjà pu vous conseiller : l’excellent podcast Procrastination comme ses master-class à l’école Les Mots (mon expérience ici). Cet essai est un nouveau média qui lui permet d’approfondir certains aspects de l’écriture et rappeler les ô combien utiles basiques qui servent de pilier à ses enseignements. En quelques petites 170 pages qui se dévorent avec une facilité déconcertante*, le lecteur (apprenti auteur ou plume confirmée) trouve matière à comprendre et surtout questionner sa pratique de l’art et les piliers dramaturgiques de base. On ne se trouve pas ici dans un manuel qui vous donnera les conseils grammatico-pratiques pour écrire (éviter les verbes faibles etc), mais le cadre indispensable à mettre en place pour créer une œuvre qui vous convienne et surtout, convienne à un lectorat, aussi modeste soit-il.
Étant très assidue à ce que je pourrais nommer « l’école Davoust », je n’ai pas forcément eu de grande surprise à la lecture des parties 2 et 3 : on y retrouve l’incontournable basique que tout auteur doit connaître, la notion de conflit, centre de la définition d’une histoire selon Lionel. « Des gens intéressants, qui veulent quelque chose d’important, et c’est compliqué ». Cette maxime est déjà écrite dans mes carnets, mais la relire en noir sur blanc, c’est toujours bien! A noter que cette définition, tout comme le reste, est présentée par Lionel comme sa propre expérience : loin de conseils tous faits, il nous montre un chemin en toute ouverture, nous laissant libres de le prendre ou non.
Une autre constante que l’on retrouve dans le travail de Lionel, et qui m’a aidé et m’aide beaucoup dans mon écriture, c’est la notion de travail et d’apprentissage. Si vous pensez que l’auteur est frappé par la muse du haut de son rocher battu par les flots et qu’il pond un roman dans la nuit qui s’ensuit, vous allez être déçu! Lionel nous rassure : la vie d’écrivain, comme de tout autre artiste, musicien, peintre… est faite de travail, de retravail, de fausses notes et de ratures qui nous aident justement à atteindre notre but.
Ce but est même questionnable : on ressort de cette lecture en comprenant que ce n’est pas tant tenir un récit entre nos mains qui est l’art, mais l’intégralité du chemin, de la première étincelle d’idée jusqu’au livre en passant par les corrections… C’est ainsi que je vis ma propre pratique. Au quotidien, j’écris parce que cela me fait du bien, et parce que j’adore ça.
C’est donc naturellement que ma partie préférée dans cet essai soit la première partie. Lionel y questionne profondément notre aspiration à l’art, notre personnalité. Plus que de longs discours, voici quelques citations marquantes :
« Apprendre à écrire, c’est apprendre à se connaître ».
« Empathie ne signifie pas accord sans réserve ; l’empathie, c’est comprendre. […] Tout l’art romanesque consiste à court-circuiter la pensée consciente du lecteur pour s’adresser directement à son esprit et son coeur. »
« Plus une œuvre puise dans la personnalité de son créateur, […] plus elle est susceptible d’élargir sa portée. »
« Rappelez-vous : dans le doute, le travail génère toujours d’avantage de résultats que l’attente. »
« Écrire de la fiction, c’est montrer juste ce qu’il faut pour mieux laisser le lecteur habiter le récit. »
C’est cette première partie, qui touche à une forme de philosophie/de développement personnel, qui fait à mon sens toute la valeur de l’essai. Lionel ne se contente pas de partager les règles qui lui servent au quotidien et qu’il aurait aimé connaître en commençant dans le métier : il va chercher dans son expérience** et au plus profond de sa personne, de ses tripes, sa conviction profonde pour ouvrir au lecteur des portes insoupçonnées. Il s’engage dans le récit et, en ça, il montre tant par le fond que par la forme ce qu’est un auteur.
Si je devais résumer tout ce discours dithyrambique en une phrase, je dirais que loin d’être une simple autobiographie*** ou un manuel de méthode, Lionel nous propose ici une réflexion complète et poussée pour ne donner au lecteur-auteur QUE l’essentiel… et TOUT l’essentiel.
Merci Lionel!
* Lionel a une plume non seulement ultra-fluide, mais une gestion des parenthèses et des annotations qui correspondent exactement au câblage de mon cerveau. La lecture des trois couches de réflexions ainsi formée en simultané m’a énormément plu, comme si enfin quelqu’un s’adressait à moi de la bonne façon. Mais là, je crois que c’est une vision très personnelle…
** Les ingénieurs comme moi reconnaîtront une structure et des schémas très scientifiques, les musiciens y verront de nombreuses comparaisons qui leur parleront…
*** en autobiographie utile, n’hésitez pas à lire « Écriture, mémoire d’un métier » de Stéphane King