« Quel bâtard, ce Fabien! »
Oui, ce sont ces mots qui m’ont échappés à la fin du tome III du Bâtard. Il faut dire que j’aime varier mes lectures, et je n’enchaîne jamais deux tomes d’une même série l’un à la suite de l’autre. J’apprécie ce petit temps où, perdue au fin fond d’une exoplanète, je songe au voyage en Égypte qui m’attend pour le prochain tome de Lasser, ou, en lutte avec des korrigans démoniaques, j’ai une pensée pour le prochain train qui me prendra à son bord sur le Rail… Varier les plaisir, telle est ma devise!
Sauf que Mr Cerutti a usé d’une rouerie digne de son protagoniste. La fin du tome III n’est en rien une fin, même pas un cliffhanger, non, vraiment juste un chapitre qui se termine et pour lequel la page suivante, pour des raisons d’impression, s’est retrouvée dans un autre livre. Injustement nommé le tome IV. Parce que si le tome I et II ont chacun leur intrigue propre, les tomes III et IV ne forment bien qu’une seule et même histoire!
En des temps ordinaires, cela ne m’aurait pas arrêter dans mon envie de varier mes lectures. Mais voilà, Mr le Bâtard est un personnage auquel il est très difficile de résister. J’ai adorer passer du temps avec lui, sa verve incroyable, sa capacité à s’adapter à toutes les situations – même les plus burlesques, son code de l’honneur – parce que oui, les brigands aussi en ont un, son charisme et son charme (ne boudons pas notre plaisir!).
La plume de Fabien Cerutti est affutée, parfaitement fluide. Le dosage entre l’action et le point de vue interne de chaque personnage, l’utilisation du sensorium, tout est parfait! C’est le type d’écriture dont je raffole. Je me suis même noté quelques passages de descriptions très bien menées sur des choses surnaturelles – vous savez, ces trucs qui n’existent pas et donc, par définition, qui sont difficiles à décrire? Lui y arrive les doigts dans le nez. Ce héro est d’autant plus agréable et crédible que son principal talent ne repose pas sur ses pouvoirs magiques, mais sur sa capacité à comprendre les relations humaines, les intrigues, et manier la parole aussi efficacement qu’une lame effilée. Cela me rappelle les Seigneurs de Bohen d’Estelle Faye : j’aime ces personnages qui sont humains et ont des talents autres que « juste » des supers-pouvoirs!
Sans compter que la précision historique est GÉNIALE. Bien sûr, je dis ceci avec l’œil naïf du néophyte, mais l’auteur étant historien et le vocabulaire utilisé très loin des stéréotypes, je suis confiante sur la véracité du propos. Au travers d’un récit haut en couleur, le lecteur est plongé dans un moyen-âge réaliste, qui sonne très juste (trop? certains détails font froid dans le dos… merci la geôle de l’Inquisiteur!).
Cerise sur le gâteau à multi-couches que nous offre Fabien Cerutti : tout dans l’histoire du Bâtard et de son descendant, tout est réglé au millimètre pour soutenir une thèse incroyablement juste sur notre propre histoire et notre relation au surnaturel. Jusque dans la dernière ligne de la dernière annexe… je suis scotchée!
En bref : j’avais beaucoup entendu parler du Bâtard en arrivant à Rennes chez Critic, et je vous confirme qu’il s’agit bien (à mon sens et conformément à ce que j’en ai entendu dire) de la fresque de fantasy historique la plus aboutie de son époque, un monument du genre (et il est français!!! et c’est pas terminé!!!). J’ai hâte de lire les secrets du 1er coffre que ledit auteur talentueux a sortit récemment!
(mais avant, quand même, je vais continuer ma MAL*)
*MAL : Montagne A Lire