Être et ne pas avoir

Être moi, pleinement moi et rien que moi, voici la tâche bien audacieuse à laquelle je m’attelle depuis quelques mois. Il est fort probable que certains trouvent cette intention bien étrange, voir dérisoire : sa propre identité paraît être la chose la plus évidente au premier abord.

Et pourtant… l’inné et l’acquis sont des questions qui m’ont beaucoup intéressé, adolescente. Qu’est-ce que que je fais parce qu’on m’a appris à le faire? Compter, lire, écrire, parler… Qu’est-ce que j’aurais fait de toute façon même si j’étais née seule sur une planète déserte? Bouger, manger, rêver, raisonner, chanter…

Je me suis construite avec cette idée inébranlable que j’avais toujours eu la main sur tous mes choix. On appelle ça une croyance. Quelque chose qui nous paraît si évident qu’on ne le remet jamais en cause. Si aujourd’hui, j’habite là où je suis, je travaille là où je travaille, c’est parce que, dès l’enfance, je savais que je voulais être ingénieure, partir découvrir le monde, gagner ma vie et être une femme forte et autonome. Je me suis donné les moyens de réussir, et je ne dois mon succès qu’à moi.

Et puis…

Et puis un jour, quand on est au fond de la piscine, pas très loin de la noyade, et que l’on trouve enfin la bonne aide pour nous faire remonter, le regard change. L’humain est un être sociable par nature. D’ailleurs, des enfants isolés dès la naissance, sans aucun contact ni affection, subissent de lourds retards, si ce n’est se laissent mourir (cf les travaux de Réné Spitz). Nous nous développons tous en fonction de notre besoin inné d’affection – l’homme est un être social, comme dirait Aristote. Dans ma vie, il y a eu et il y a un impact de toutes les personnes qui m’entourent. Ce n’est pas « bien » ou « mauvais » : c’est comme ça, c’est tout. C’est refuser de voir ces impacts qui m’ont poussé à la dépression.

J’ai mis longtemps à assumer que j’écrivais. Jusqu’à Noël dernier, les personnes qui le savaient se comptaient sur les doigts d’une seule main. Neige m’a permis d’élargir le cercle : l’accueil bienveillant et positif que j’ai eu m’a aidé à voler de mes propres ailes et développer mon écriture et le blog ci-présent.

Il restait une dernière étape, non des moindre. Assumer ma double-vie auprès de mes collègues de travail. Non pas comme une recherche d’adhésion, cheminement qui était le mien jusqu’ici, mais comme un énoncé simple d’une femme qui a confiance en elle. Jusqu’ici, je ne voulais pas mêler ma vie professionnelle, faite de réunions, de calculs et de représentations en costard-cravate, avec l’univers si éloigné de la littérature steampunk. Un gouffre insondable sépare ces deux mondes, et j’avais peur des réactions de mes collègues. Je me fondais donc dans le moule, j’étouffais au travail cette étincelle pas comme les autres qui me caractérise, et je me gardais bien de parler des horloges qui tournent à l’envers.

Je n’étais pas moi, et j’avais peur.

Aujourd’hui, petit à petit, je laisse ma vraie personnalité infuser dans mon quotidien professionnel. J’ai troqué les compte-rendus word par du sketchnoting (des notes sous forme de dessin). Je m’autorise à venir en T-shirt et baskets plutôt qu’en veste et talons. Je ne fais plus semblant de connaître la dernière série à la mode sous Netflix. Je ne me reproche pas d’avoir utilisé un mot un peu désuet en réunion. Et jeudi dernier, j’ai réunis plusieurs de mes collègues pour un petit apéro, afin de trinquer à ma première publication!

Être moi, ne pas avoir peur.

Et vous savez quoi? Hé bien, c’était génial!

D’une part, parce que cela m’a libéré d’un poids. L’impression de ne pas être honnête, de ne pas être totalement moi avec mes collègues qui (j’ai beaucoup de chance), sont incroyablement humaines et authentiques, devenait trop pesante, me rongeait de l’intérieur.

D’autre part, parce que cela ma permis d’affirmer ma passion, ma double-vie. Pour 2021, je vais demander à passer en 4/5ème afin de pouvoir m’accorder du temps. A moi. Pour écrire. Parce que je le mérite, peu importe le regard de la société et des autres. Il n’y a que moi qui sache ce qui me convienne.

Et enfin… hé bien, parce que l’accueil a été bien plus chaleureux que ce que je pensais! J’ai souvent peur du regard des autres : je le sous-estime grandement. Mes collègues ont non seulement été ravies pour moi, mais curieuses de découvrir mon univers et pas le moins du monde rebutées par le steampunk, ce nouveau mot étrange et bizarre. Et je me suis rendue compte que j’aimais instiller la curiosité, faire découvrir des choses aux autres.

Le secret du bonheur se cacherait-il dans ces deux verbes? Être et ne pas avoir.

J’ai une première réponse! 🙂

2 réflexions au sujet de “Être et ne pas avoir”

  1. Si chacun faisait comme cela, acceptait de s’aimer et de s’accepter, avec ses ombres et ses lumières, alors le monde tournerait sans doute avec plus de sens, horaire ou pas 😉 la clé, c’est la bienveillance, avec soi et les autres <3

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    • Tellement vrai! <3 Merci de ton passage par ici... cela me rappelle nos belles années de blogging quand nous étions de jeunes étudiantes pleines d'espoirs et d'interrogations. On devient de vraies adultes toujours aussi pleines d'espoirs, peut-être encore plus : moins d'interrogations et plus de découvertes, merci la vie!

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